Occitanie films a organisé, avec le concours du Lokal Production et de France 3 Occitanie, une petite tournée du film « Sète, des femmes au fil de Thau ». Chaque projection devait être suivie d’un petit papier d’impressions. Les voilà. Celui-ci est le sixième. Si vous voulez tous les lire c’est mieux dans l’ordre : il faut redescendre, alors, jusqu’à l’article « Faudrait filmer tout le temps » dans la rubrique « Petits travaux des petits jours ».
C’est bizarre, non, une projection en ligne ? Tout le monde dans son chez soi, devant son écran, et on fait tout pareil qu’en « vrai » ? En tout cas moi j’ai fait tout pareil, ce vendredi 18 décembre 2020 à 18h. Habillée, coiffée, maquillée. Une tasse de thé pour le débat, un verre de vin de pêcher (maison) pour le pot après. Y avait un pot après ? Oui ! Chez moi, en tout cas…
C’était bien. Vraiment bien. Assez intense, en fait, encore plus qu’en « présentiel ». Cela demande beaucoup plus de concentration. Peut-être que je vieillis aussi, j’ai beaucoup de mal avec les informations qui arrivent en masse de partout, par messages, tous ces visages sur ces petits écrans, l’envie de saluer tout le monde, de passer du temps avec chacun-e, d’écouter très attentivement tout en répondant aux textes en privé et aux textos sur le téléphone. Parce qu’on sait que quand on va appuyer sur FIN, les gens qu’on n’a pas vus depuis longtemps, on ne va pas pouvoir passer du temps avec eux/elles, comme on le fait après une projection. Alors on essaie de répondre, de manière concise, à chacun-e… C’est assez frustrant.
Mais sinon, donc, c’était bien ? Oui ! Parce que le débat était tenu, organisé. J’ai parlé de professionnalisme au début de cette rencontre par écrans interposés, je vais développer.
Après la projection d’un film, généralement il y a un débat. Et souvent les gens qui nous font venir n’ont pas envie d’animer un débat, parce que tout simplement c’est un travail qu’il faut savoir faire, qu’il faut avoir fait. Alors je les rassure, je les comprends, je leur explique que je peux le faire moi-même sans problèmes : je viens de l’éducation populaire, cela a été très (très) difficile pour moi de passer derrière un micro, de parler devant un public, d’animer des groupes. J’ai appris. Et j’ai finalisé ma formation avec Patrick Gregogna, alors directeur de la culture à Balaruc-les-Bains, quand nous organisions chaque mois les Ecrans du Languedoc consacrés à des films tournés par des réalisat.eur.rice.s de la région. Il m’a gentiment poussée dans le dos pour me faire passer devant. Depuis… ça roule. Je n’ai plus peur. Plus trop…
Mais quand le débat est « animé », comme pour cette projection en ligne, on a l’impression d’être assise à l’arrière d’une berline qui trace sa route sans à-coups, et le ruban défile sans voir le temps passer. J’aime quand le travail est bien fait. Et j’aime à le souligner, toujours. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité faire ce film sur ces femmes de l’île de Thau. Pour la plupart, leurs actions se situent dans un cadre professionnel. C’est leur investissement dans le travail qui est stupéfiant.
Anissa, l’une des protagonistes, insiste beaucoup là-dessus, sur ce professionnalisme ; elle aide les autres à revenir, dans leurs interrogations, leurs doutes, aux principes mêmes qui fondent leur travail respectif : pourquoi on fait les choses, pour qui, avec qui ? Il ne s’agit pas de se dégager des affects, mais de les tenir à la bonne distance pour pouvoir continuer à bosser efficacement.
Elles sont des professionnelles dans le sens où elles s’interrogent en permanence sur le sens de leur travail et sur les conditions de sa mise en œuvre. Elles savent analyser les échecs, ne pas se contenter des réussites, se remettre en cause, réajuster en permanence. D’où l’importance aussi, j’insiste, de travailler sur la durée.
Pour animer un débat, c’est pareil, c’est du boulot. La rencontre ressemble toujours à son animateur, à son animatrice, comme un film porte toujours quelque chose de son réalisateur, de sa réalisatrice. C’est un travail qui se peaufine au fil des débats animés. Animer, c’est donner de l’âme. C’est l’un des plus beaux mots qui soit, c’est l’un des métiers les plus difficiles aussi, on le voit bien dans ces quartiers. Il faut être un « taulier »*, une « taulière », comme ces femmes à l’Ile de Thau : il faut tenir les lieux, les gens ensemble, pour cela il faut être engagé.e de tout son être dans les choses que l’on fait, au moment où on les fait.
Et sinon, depuis cette projection, je chante « Zoom, j’ai rendez-vous sur Zoom ». Et ça me pègue au cerveau… Ce que c’est que l’insconscient, quand même !
*C’est Bernard Lubat qui m’a appris ça, il y a longtemps, « taulier » c’est le mot qu’il employait, je n’ai jamais oublié. Tenir un lieu, une MJC, un festival, une association, une rencontre, une improvisation collective, une animation sportive. Être un « taulier », faire passer les plats, les balles, les paroles et les chorus, savoir accueillir l’autre, les autres, et savoir se tenir avec elles, avec eux.

Là c’était à l’époque du présentiel, au cinéma Le Taurus de Mèze, le 8 mars dernier…
Je me doutais bien que les noces de « Culture » et « Sport » seraient riches, mais je ne pensais pas le couple pérenne.
Au fil du temps, des projections et des billets d’Hélène, toutes ces femmes du quartier de l’île de Thau, M’barka, Rachida, Françoise, Ghislaine, Dolorès, Myriam, Anissa, Fanny, Aurélie, Fatima, Naïma, Juliette et toutes les autres se sentent comprises, utiles, belles et entendues;
Alors dites-moi en faut-il plus à des femmes pour y croire et Continuer?
Merci à toi et à tous ceux que tu as drainé dans ton sillage
Bon vent