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Filmer le réel

On m’a demandé de mettre par écrit ce que veut dire « filmer le réel » quand on fait du documentaire. J’ai essayé…

Quand je dis « filmer le réel » il s’agit plutôt de filmer des bouts de réel, de les associer et c’est l’association qui donne le sens. Ces bouts de réel, je me dois de les respecter en tant que tels, de ne pas les tordre, les ré-inventer, les façonner selon l’image que je peux m’en faire a priori. C’est a posteriori que le sens apparaît, à la condition d’avoir saisi ce réel dans sa complexité.

Je me demande quelquefois si je n’ai pas pris une caméra juste pour m’approcher de ce que je voulais comprendre. Plus près que je n’aurais osé sans caméra, pour affiner, affûter la pensée en l’aiguisant au plus proche de la réalité.

Avant j’écrivais mais j’avais toujours la sensation d’être un peu à côté, ou trop là, ne laissant pas assez de place à ce qui pouvait advenir. L’écriture me semblait trop contraindre, enfermer le réel dans mes propres filets, dans ma propre pensée. Filmer, c’était détendre un peu les mailles du filet, en me laissant du temps, en acceptant aussi de ne pas tout saisir et retranscrire. En me laissant surprendre, embarquer là où je ne serais pas allée.

« Aller à l’idéal, comprendre le réel »

Dans la pratique du journalisme – quand il s’exerce au mieux -, on tente de rendre compte d’une réalité au plus juste et au plus proche des faits, en n’occultant aucun élément. Pour moi – il y a quasiment autant d’approches documentaires que de pratiquantes et de pratiquants -, filmer le réel c’est en extraire ce qui s’approche de l’idéal. Je pars toujours, depuis toujours, de la fameuse formule de Jean Jaurès : « aller à l’idéal, comprendre le réel ». Ce n’est donc pas tout-à-fait la même chose. Il y a une liberté dans l’acte de filmer qui s’appelle « le point de vue » et qui s’écrit toujours à la première personne : d’où je pars, d’où je parle et qu’est-ce que je veux dire ?

Avant de tourner des films, et pour tenter d’aller chercher un peu d’argent pour les faire, on nous demande d’écrire des « notes d’intention ». Elles sont essentielles. Elles se retournent vers nous, ces notes, comme inquisitrices de nos désirs à nous mettre en mouvement, elles nous obligent à l’introspection : pourquoi faire ce que nous faisons ? Elle se retournent aussi vers nous une fois le film terminé : avons-nous réussi à traduire ce que nous avions l’intention de dire et de montrer ?

Filmer pour dire « nous »

Pour ma part, j’écris un peu toujours les mêmes choses et cela tourne autour de cela : Filmer pour dire « nous ». Des « nous » provisoires, toujours, conjoncturels, mais des « nous » qui font sens, en fonction des territoires où ils s’exercent, des pratiques qu’ils mettent en œuvre, de ces ensembles qu’ils font vivre. Des « nous » dans lesquels je m’inclus plus ou moins, en fonction des sujets.

On pourrait imager ce travail ainsi : je tiens les ciseaux pour découper des formes dans un réel qui peut sembler, lui, informe, ou pour le moins contradictoire. Je « découpe » en suivant les pointillés de mon désir pour valoriser les faits et les gens, et par là servir au mieux le propos que je veux tenir. Et j’occulte le reste, volontairement. 

Quelquefois même je dis que je mens. Mais ce n’est pas tout à fait vrai ! Disons que je ne mens que par omission. Par contre il n’y a aucune part de fiction dans mes documentaires, je ne mets jamais en scène la réalité, j’essaie de la saisir telle qu’elle se présente, en immersion.

Et surtout, surtout… je ne la tords pas pour lui faire dire autre chose que ce qu’elle est, pour la plier à cet idéal qui me guide. Je l’amplifie juste un peu, comme à monter le son. Quand j’occulte, c’est toujours en connaissance de cause, en sachant et comprenant ce qui existe mais qui ne sert pas le propos que je tiens, qui pourrait le brouiller, nous envoyer sur de fausses pistes. Cela demande donc d’être au plus juste, au préalable, de l’appréhension de ce réel. Cela exige de ne pas se « raconter d’histoires » pour mieux les raconter, ces histoires. Sinon, in fine, je suis sûre que cela se voit comme le nez de Pinocchio et que les spectatrices et spectateurs le ressentiront.

Il faut pour cela se défier de soi-même. Ce qui nous en préserve, ce sont des allers-retours permanents, un peu comme dans la recherche-action, où le réel nourrit la pensée. Et c’est moins évident à faire continûment qu’à formuler ainsi rapidement.

Tenir l’équilibre dedans / dehors

Quand je fabrique un film, je suis dedans/dehors, je m’approche, je m’éloigne, je repars, je reviens au réel sans arrêt. 

Je suis dedans quand je filme, entièrement, complètement. Je suis avec celles et ceux que je suis en caméra portée. Je me plante sur mes deux pieds pour garder l’équilibre, j’oublie toute douleur, je maintiens un cap, celui du regard qui va accompagner les autres, dans leurs mouvements, dans leurs attitudes, dans leurs intentions même quelquefois, pour mieux anticiper le mouvement à venir. 

Je suis dehors quand je les regarde sur le banc de montage. Je dois tenir en permanence cet équilibre pour ne pas être envahie, absorbée et sans recul possible.

Car dans les entre-deux, je pense, j’y pense, je me laisse travailler par ce que j’ai ramené des tournages. Le réel nous bouge, nous bouscule, nous bascule comme sur un cheval de bois. Dans un aller-retour avant-arrière, pour mieux revenir sur nos bases conceptuelles. Nos valeurs. Elles, elles ne changent guère. Mais la perception du réel, au plus près de sa complexité, de ses paradoxes, de cette altérité quelquefois troublante, déstabilisante, nous bouscule toujours. 

« La beauté est affaire de morale »

C’est ensuite au montage que je couds ces morceaux de réel pré-découpés, que je tisse le récit comme on dit. La réalité se plie, ainsi, au désir que j’ai de la restituer. Plus belle qu’elle n’est, ou plutôt dans ce qu’elle a de plus beau : « la beauté est affaire de morale » nous a rappelé Yves Rouquette. C’est cela que je veux montrer, donner à voir. Généralement cela ressort donc de collectifs en actes, d’un rapport aux territoires et aux autres, d’un commun qui nous lie. Avec, en filigrane, cette volonté un peu naïve, voire peut-être illusoire, de la rendre exemplaire pour que ce récit, ces récits, « servent » à quelque chose.

Je reviens à Jean Jaurès et à son « Discours à la jeunesse » prononcé à Albi en 1903 : « (…) explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, et cependant (d’)éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales, (de) l’organiser et (de) la soulever par la beauté sacrée des formes et des rythmes. » C’est l’idéal. Après, comme l’énonçait François Truffaut dans La nuit américaine, il faut en rabattre : il y a le film rêvé au moment de l’écriture et il y a toute l’aventure de sa fabrication. La réalité, ce sont aussi les conditions de réalisation d’un film, et nos propres limites. A l’arrivée, un film est toujours à mes yeux imparfait, étant devenu la somme des ajustements et des compromis que l’on aura fait, avec soi-même, avec les autres, et avec la perception que l’on peut avoir de cette réalité.

La pensée est mouvement

J’ai beaucoup appris en faisant des films, vraiment, sincèrement. Mais j’ai autant désappris. Ou plutôt je me suis « arrondie », je me suis attachée à moins juger, j’ai accepté de me défaire d’une certaine forme de radicalité en m’accordant une bonne dose d’humilité. J’ai un peu (un peu) appris à « faire avec », même avec ce qui ne me convient guère. 

« Le pire pour des idées, affirmait Pierre Bourdieu, c’est qu’elles soient arrêtées. » S’approcher du réel, c’est accepter ce mouvement de la pensée. Pour tenter de saisir la complexité des êtres et des choses, sans les opposer jamais. Je me méfie désormais du manichéen comme de la peste, et c’est de filmer le réel qui m’a enseigné cette exigence de la nuance, de la mesure, en toutes choses.

Dans l’époque actuelle où les opinions s’affrontent avec virulence quelquefois, où l’on se doit de prendre position constamment, urgemment, d’avoir un avis sur tout et tous sans pouvoir compter sur la médiation du temps et de la réflexion, cette pratique documentaire, cette forme d’acceptation de la complexité nous aide à appréhender les vies et les réalités d’autrui en bousculant nos quelques idées reçues. Je crois beaucoup à l’incarnation. Je pense que les idées, les pensées trouvent plus juste écho lorsqu’elles sont incarnées. Tout devient beaucoup plus concret quand quelqu’un prend la parole, parle de sa propre place, et qu’on veut bien l’écouter – vraiment -, sans chercher à toujours nous retrouver nous-mêmes dans la parole de l’autre. Gilles Deleuze disait qu’il est urgent de se créer des interstices de silence pour pouvoir penser dans un monde de vacarmes permanents et d’opinions conflictuelles. Le documentaire s’y prête à merveille. On regarde, on se tait, on écoute, on se doit d’être réceptif, par tous les sens, pour aborder ces bouts de réel. Que l’on soit réalisateur, réalisatrice ou spectateur, spectatrice.

Animer : donner du souffle, de l’âme

Occitanie films a organisé, avec le concours du Lokal Production et de France 3 Occitanie, une petite tournée du film « Sète, des femmes au fil de Thau ». Chaque projection devait être suivie d’un petit papier d’impressions. Les voilà. Celui-ci est le sixième. Si vous voulez tous les lire c’est mieux dans l’ordre : il faut redescendre, alors, jusqu’à l’article « Faudrait filmer tout le temps » dans la rubrique « Petits travaux des petits jours ».

C’est bizarre, non, une projection en ligne ? Tout le monde dans son chez soi, devant son écran, et on fait tout pareil qu’en « vrai » ? En tout cas moi j’ai fait tout pareil, ce vendredi 18 décembre 2020 à 18h. Habillée, coiffée, maquillée. Une tasse de thé pour le débat, un verre de vin de pêcher (maison) pour le pot après. Y avait un pot après ? Oui ! Chez moi, en tout cas…

C’était bien. Vraiment bien. Assez intense, en fait, encore plus qu’en « présentiel ». Cela demande beaucoup plus de concentration. Peut-être que je vieillis aussi, j’ai beaucoup de mal avec les informations qui arrivent en masse de partout, par messages, tous ces visages sur ces petits écrans, l’envie de saluer tout le monde, de passer du temps avec chacun-e, d’écouter très attentivement tout en répondant aux textes en privé et aux textos sur le téléphone. Parce qu’on sait que quand on va appuyer sur FIN, les gens qu’on n’a pas vus depuis longtemps, on ne va pas pouvoir passer du temps avec eux/elles, comme on le fait après une projection. Alors on essaie de répondre, de manière concise, à chacun-e… C’est assez frustrant.

Mais sinon, donc, c’était bien ? Oui ! Parce que le débat était tenu, organisé. J’ai parlé de professionnalisme au début de cette rencontre par écrans interposés, je vais développer.
Après la projection d’un film, généralement il y a un débat. Et souvent les gens qui nous font venir n’ont pas envie d’animer un débat, parce que tout simplement c’est un travail qu’il faut savoir faire, qu’il faut avoir fait. Alors je les rassure, je les comprends, je leur explique que je peux le faire moi-même sans problèmes : je viens de l’éducation populaire, cela a été très (très) difficile pour moi de passer derrière un micro, de parler devant un public, d’animer des groupes. J’ai appris. Et j’ai finalisé ma formation avec Patrick Gregogna, alors directeur de la culture à Balaruc-les-Bains, quand nous organisions chaque mois les Ecrans du Languedoc consacrés à des films tournés par des réalisat.eur.rice.s de la région. Il m’a gentiment poussée dans le dos pour me faire passer devant. Depuis… ça roule. Je n’ai plus peur. Plus trop…

Mais quand le débat est « animé », comme pour cette projection en ligne, on a l’impression d’être assise à l’arrière d’une berline qui trace sa route sans à-coups, et le ruban défile sans voir le temps passer. J’aime quand le travail est bien fait. Et j’aime à le souligner, toujours. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité faire ce film sur ces femmes de l’île de Thau. Pour la plupart, leurs actions se situent dans un cadre professionnel. C’est leur investissement dans le travail qui est stupéfiant.
Anissa, l’une des protagonistes, insiste beaucoup là-dessus, sur ce professionnalisme ; elle aide les autres à revenir, dans leurs interrogations, leurs doutes, aux principes mêmes qui fondent leur travail respectif : pourquoi on fait les choses, pour qui, avec qui ? Il ne s’agit pas de se dégager des affects, mais de les tenir à la bonne distance pour pouvoir continuer à bosser efficacement.

Elles sont des professionnelles dans le sens où elles s’interrogent en permanence sur le sens de leur travail et sur les conditions de sa mise en œuvre. Elles savent analyser les échecs, ne pas se contenter des réussites, se remettre en cause, réajuster en permanence. D’où l’importance aussi, j’insiste, de travailler sur la durée.

Pour animer un débat, c’est pareil, c’est du boulot. La rencontre ressemble toujours à son animateur, à son animatrice, comme un film porte toujours quelque chose de son réalisateur, de sa réalisatrice. C’est un travail qui se peaufine au fil des débats animés. Animer, c’est donner de l’âme. C’est l’un des plus beaux mots qui soit, c’est l’un des métiers les plus difficiles aussi, on le voit bien dans ces quartiers. Il faut être un « taulier »*, une « taulière », comme ces femmes à l’Ile de Thau : il faut tenir les lieux, les gens ensemble, pour cela il faut être engagé.e de tout son être dans les choses que l’on fait, au moment où on les fait.

Et sinon, depuis cette projection, je chante « Zoom, j’ai rendez-vous sur Zoom ». Et ça me pègue au cerveau… Ce que c’est que l’insconscient, quand même !

*C’est Bernard Lubat qui m’a appris ça, il y a longtemps, « taulier » c’est le mot qu’il employait, je n’ai jamais oublié. Tenir un lieu, une MJC, un festival, une association, une rencontre, une improvisation collective, une animation sportive. Être un « taulier », faire passer les plats, les balles, les paroles et les chorus, savoir accueillir l’autre, les autres, et savoir se tenir avec elles, avec eux

Là c’était à l’époque du présentiel, au cinéma Le Taurus de Mèze, le 8 mars dernier…

Se faire (un peu) du bien au cinéma

Pourquoi j’aime tant les médiathèques ? Parce que ce sont des lieux que les usager.e.s s’approprient aisément, fortement même quelquefois. Il y a dans ces espaces publics une relation d’évidence, un public qui suit les propositions qui leur sont faites par les équipes, un peu tous azimuts, de la lecture publique au cinéma, en passant par la musique, le conte ou les jeux videos. 

Du coup, alors que je pensais qu’il n’y aurait pas grand monde dans ces séances, il y en a un peu. Bon, pas beaucoup, certes, une vingtaine ce vendredi 23 octobre 2020 à 19h à la médiathèque Montaigne de Frontignan. Mais tout de même… 
On ressent la fidélité des gens ici présents à « leur » médiathèque.  

J’avoue, cette semaine, je n’ai pas le cœur à présenter ce film, ni un autre, ni rien d’autre. Un petit côté « à quoi bon ? ».  Je devrais me méfier de mon addiction à l’actualité. Vendredi dernier, à Marseillan, j’étais dans une bulle. Je n’ai pas voulu la transpercer. Pendant que je sirotais mon Pac à l’eau au bistrot, j’ai entrevu sur le fil France info deux mots, « attentat » « professeur », et je me suis dit : « non, je suis trop bien, là, je ne lis pas, je verrais ça demain ». Mais je n’ai pas pu m’en empêcher, j’ai tout lu en rentrant, dans mon lit. J’aurais dû attendre le lendemain.

Depuis, je ne pense qu’à ça, aux temps qui viennent, plombés. Aux imprécations, accusations, raidissements de la pensée suite à l’assassinat de ce professeur, devenu « le » professeur, celui qui nous en rappelle tant d’autres, au charbon de cette relation privilégiée, et ardue, avec des jeunes en formation. 
Je me dis qu’il ne va plus y avoir l’espace de la mesure, de la compréhension des enjeux, de la parole même. Je me dis qu’on est mal. Mal parti.e.s, mal barré.e.s.

Je m’en vais faire deux petits tours à l’Ile de Thau dans la semaine, à la médiathèque. 
Je les regarde en action, je n’y reste pas longtemps, mais j’y vois encore ce que j’aurais pu filmer, ce que je n’ai pas filmé, ce qui est tout de même passé dans le film : la nuance, l’intelligence de l’autre, ici c’est tout le temps, dans la gestion de ce que l’on pourrait appeler des « problèmes ». Mais qui n’est que du quotidien, comme pour ce professeur, comme pour tous ces autres en lien permanent avec des « publics ». Concrètement en lien avec d’autres individus, adultes, enfants, que l’on considère dans leur globalité, dans leur intégrité, et pas comme des symboles, des abstractions numériques, des représentant.e.s de leur ethnie, de leur religion. On fait avec, quoi.

Il ne s’agit pas d’opposer la pensée à l’action, jamais. Mais la pensée doit toujours se nourrir, au plus proche, du terrain, des terrains, pour ne pas planer dans des hauteurs abstraites, des valeurs surplombantes, écrasantes même quelquefois quand on n’a pas su les faire comprendre, les faire aimer. Et faire aimer, cela n’est possible que dans une relation de confiance.

Je m’en vais donc dans ces lieux qui nous permettent de nous échapper un peu, tout en continuant d’y ancrer la pensée : Je vais au cinéma. Aimablement invitée par Mostafa Senihji au cinéma Le Taurus à voir le « Josep » d’Aurel, happée par le film, j’en ressors différente. Pendant cette heure vingt et les minutes qui ont suivi, j’ai cessé d’être en boucle sur l’histoire du temps présent. Je me suis replacée dans une histoire plus longue, je me suis dit que l’histoire ce sont aussi des cycles, qu’il faut peut-être en passer par des affrontements, des déchirements, des bouleversements pour refaire sens, pour retrouver ensemble la force de ce qui nous lie. Je ne sais pas, je ne sais rien. Juste que le cinéma, cela fait du bien.

C’est ce que m’ont dit les quelques spectatrices devant moi, au premier rang de l’auditorium de la médiathèque de Frontignan ce vendredi soir. Les visages étaient, sous le masque, heureux. Je ne me souviens plus des mots employés, et tant mieux, cela pourrait paraître prétentieux. Mais, globalement, disons que ce film fait du bien.

Et au cinéma Le Taurus à Mèze, il reste trace du film projeté là-bas le 8 mars dernier… Une attention touchante, qui dit le lien créé. Voilà qui fait plaisir, très.

Comme dans une bulle

S’il n’y avait pas eu ce vent frisquet, cet « aquilon joufflu », cela aurait été juste parfait. Laurence Burnichon me chante la chanson. La directrice de la médiathèque La fabrique de Marseillan convoque Marcel Amont et Georges Brassens sous ce soleil d’octobre traversé de mistral, ce vendredi 16 octobre 2020.

Quel plaisir de revenir à Marseillan.

Sete est vraiment une île, on a tendance à ne pas passer les ponts pour aller dans les « petits villages » alentour. Oui je sais, c’est vexant quand on parle de communes qui dépassent les 5000 habitant.e.s. Mais c’est comme ça qu’on disait à Sète : « les petits villages ».

J’y ai retrouvé ce bonheur du « petit », j’avais pris mon temps et mon après-midi. J’ai bien fait. Je suis rentrée dans l’église à côté qui ressemble à un temple affublé d’une tour romane, vraiment très belle, accueillante. J’aime les portes ouvertes et cela arrive encore dans certains stades et quelques églises. Je suis allée aussi au bar d’à coté ; trois fois a fait remarquer l’hôte, Mehdi, à la dernière visite après la projection.

A coté de quoi ? A coté d’une très jolie médiathèque, elle aussi petite, simple et accueillante. Je vous le fais office de tourisme, je mets des photos (merci Laurence).    

Elle s’appelle La Fabrique, joli nom, du temps où le bâtiment appartenait encore à l’Eglise catholique.

En bas le marché, en haut la médiathèque. C’est-à-dire qu’on va chercher les livres ou les dvd comme le poisson ou le fromage, avec la même convivialité, le même allant, la même familiarité : on se connaît, ça aide. Et sinon on apprend à se connaître. Oui, le charme du « petit », quand tout est à côté, à proximité.

Du coup, j’ai eu droit à une projection d’une grande bienveillance. En ces temps clivés de débats outrés, (pour ou contre le voile, pour ou contre le masque…), se retrouver devant quinze personnes qui ont du plaisir à découvrir un film, un quartier, du plaisir à être ensemble, à se rencontrer, et qui le disent avec un sourire que l’on entrevoit sous le masque, oui c’était vraiment bien.

On a parlé de quoi ? Ben de tout un peu, mais c’est surtout cette ambiance que je retiens. 

Puis il y avait Evelyne De San Nicolas, 20 ans de médiathèque à Marseillan, et habitante depuis l’âge de six ans et demi précise-t-elle, qui connaît son monde par cœur et qui dit les effets bénéfiques d’un peu de permanence dans un monde en mutations constantes. A l’île de Thau ou à Marseillan, c’est pareil, l’efficacité d’une action se mesure dans le temps. Il faut laisser le temps aux gens, le temps de se mettre à l’épreuve du temps, de se tromper, de recommencer, de créer des liens, de s’implanter. 

Le temps de se connaître. C’est là-dessus que s’appuie l’équipe de la médiathèque Malraux de l’île de Thau. Sa directrice, Aurélie Mateo, était venue. À la fin une spectatrice vient nous remercier toutes les deux. Aurélie, comme d’habitude, s’efface devant « la » réalisatrice. « Non, non, c’est elle » en me désignant du doigt. La dame lui répond : « Non, félicitations à vous deux, pour votre travail respectif. Parce que vous le faites bien toutes les deux, mais ce n’est pas le même ! »

Je ne saurais mieux dire…

P.S. : Je parlais de lassitude la semaine dernière. « Est-ce que les femmes sont magiques ? » Y a des fois, oui. Il faudrait filmer tout le temps. Heureusement Anissa s’en charge. Comme elle se charge de tout. Elle m’envoie une vidéo cette semaine. Anissa adore les panoramiques parce qu’elle voudrait rendre compte de toute la réalité dans son ensemble. On est dans la cour de la Seinchole en bas des immeubles, on démarre par un groupe d’enfants qui jouent à la balle, on passe à un autre de plus petits qui font un parcours sur tapis, puis on arrive sur d’autres petitous assis sur une bordure, captivés par ce qui se passe devant eux, on entend de la musique, et on finit le plan sur deux violonistes qui travaillent depuis quelques années avec la médiathèque, qui jouent là, en extérieur, sous une tente, devant les enfants.
Moment suspendu. Oui, magique.
Il manque un contrechamps dans la vidéo, in-filmable. Anissa me le raconte par téléphone : pendant ce temps, des policiers de la BAC coursaient deux dealers sous les coursives des immeubles.

Drôle d’ambiance, drôle d’époque

Bon, il va râler Karim Ghiyati, j’ai oublié de faire la photo. Pourtant, ça valait le coup. 44 personnes masquées en face de soi, j’ai plaint les enseignant.e.s. Aucun sourire sur lequel s’appuyer pendant qu’on parle. Au démarrage, du coup, ma voix tremble un peu. Pas à l’aise du tout. Faut dire que je ne connais personne et je ne m’y attendais pas. Je joue à domicile, à la médiathèque Mitterrand de Sète, ce samedi 10 octobre 2020 à 15h. 

J’y vais en promenant le long des quais, je m’arrête boire un petit café avant sur l’esplanade, au Colisée. Il fait ce beau temps d’automne superbe qui donne envie de flâner. Je viens vraiment en touriste, petites tennis et pantalon. D’habitude je mets la petite jupe qui va bien, je fais le maquillage qui va bien, je me prépare comme à entrer en scène, je réfléchis à ce que je vais dire, je reste seule un petit moment, avant de sourire à tou.te.s venant, de lancer des « bonjours » sonores et enjoués, de demander des nouvelles des enfants, et de répondre que je vais bien, toujours, merci. Parce que je suis polie. 

Je me dis juste au fond de moi qu’il ne faut jamais arriver en touriste, une projection c’est une projection, c’est du travail, cela se respecte. Il faut toujours, toujours se préparer. Comme avant d’aller tourner, comme avant de mener un entretien, comme avant de repeindre un appartement, comme avant d’aller creuser une tranchée…

Mais je pensais vraiment qu’à part la troupe musicale de la médiathèque de l’Ile de Thau qui doit chanter après la projection, et au vu de la petite jauge de la média, il n’y aurait personne d’autre. Vu le temps. Vu le Covid. Vu qu’à Sète, désormais, il y a plein d’autres choses à faire. Par exemple, ce week-end, visiter des ateliers d’artistes ou aller se remuer les méninges à causer de tourisme social et responsable.

Et puis, on va être honnête, cette tournée reportée pour cause de confinement au printemps, mais qui se déroule en pleine montée en puissance des contaminations de l’automne, ne me dit rien qui vaille. Je le fais parce qu’il faut le faire, mais à reculons, en mesurant l’absurdité des temps présents qui veut que la vie continue comme si, parce qu’il le faut bien… Et je n’invite personne à venir. Je me sentirais responsable. 
Là encore, je n’ai rien préparé, je n’ai pas fait mon boulot habituel d’envoyer trente rappels par mèls, d’alerter la presse, etc. 
Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais tout annulé. 
Je dois avoir tort, puisque la salle est pleine.

Je dis les choses habituelles : l’éducation populaire, que la fin est dans les moyens, que l’on apprend en apprenant, que c’est la manière de faire les choses qui importe plus que les choses que l’on fait, etc, etc. 

Mais il nous faut parler de l’actualité de ce quartier. En à peine six mois, beaucoup de choses ont basculé. Je n’y filmerai pas actuellement comme j’y ai filmé il y a encore deux ans. Le trafic de dope s’y est apparemment déconfiné, le quartier est entre l’ébullition et le traumatisme. Mes gentilles petites histoires d’éducation populaire, si elles sont valables sur le temps long et pour l’éternité, ne tiennent pas la route face à la situation actuelle.

Mais ce sont toujours, et encore, des femmes qui tentent de s’opposer à tout cela. Avec leurs petits bras. Alors il nous faut les soutenir, encore et toujours. 
Sûr que je l’ai facile à dire cela, j’ai déménagé l’an passé… 
Mais je sens leur lassitude qui gagne et, mon dieu, comme je les comprends.
Promis juré, pour la projection à Marseillan la semaine prochaine, je m’habille. 
Mais bon, là, sûr, on va être trois.   

Et l’Or devint Ourr…

J’ai toujours assisté aux projections de mes films. Même si je n’aimais pas le film. Pour ressentir les réactions du public. Mais bon, ils sont pas diffusés hyper souvent, puis c’est pas toujours le même, et quelquefois ça me donne des années plus tard l’occasion de le re-découvrir. C’est pas un calvaire, quoi.
Cette fois, je m’étais dit : « Six fois le même en moins de deux mois, je vais quand même pas le voir à chaque fois. »

Deuxième séance à Mèze, pour la journée internationale des droits des femmes, ce dimanche 8 mars 2020 à 17h au cinéma Le Taurus. Dilemme, à la même heure, c’est la seconde mi-temps de notre chouette équipe de France de rugby face à l’Ecosse pour l’avant-dernier match du Tournoi des VI Nations 2020.
J’ai tenté le coup de l’annulation pour cause de coronavirus, eu égard à mon grand sens de la responsabilité morale, mais Karim Ghiyati, directeur d’Occitanie films et organisateur de cette tournée internationale autour du Bassin de Thau et au-delà, a fait la sourde oreille.

Juste, il a proposé de m’emmener en avance pour assister à une triste première mi-temps dans un bar de Mèze. Du coup, on est arrivés pile à l’heure (ce n’est pas mon habitude) au cinéma. Après avoir dit un mot avant la projection à la quarantaine de personnes qui ont bravé ce risque grandissant de coronavirus naissant, je sors de la salle et j’installe mon téléphone portable sur la banque d’accueil du cinéma. On se pose derrière comme à un comptoir de bar, avec Mostafa Senihji du cinéma Le Taurus et Karim Ghiyati. 

En 20 minutes, c’est plié, premier match perdu du Tournoi qui a vu sortir Romain Ntamack pour commotion et Mohamed Haouas pour carton rouge. 

Le film, c’est 52 minutes. Ils nous en reste 30 pour faire connaissance avec Mostafa. Qui propose, je ne sais plus pourquoi, de nous écrire nos noms en arabe sur l’enveloppe qui a contenu le DCP du film. Je croyais qu’il allait dessiner ces signes presque magiques et tiens rentre chez toi, encadre-la si tu veux, essaie de le refaire à ton tour et tu vas voir, c’est galère ! Je le sais, Anissa m’a déjà fait le coup, j’ai essayé de réécrire Morsly après son départ en suivant son modèle… un échec digne du XV de France d’il y a quelques années…

Non, il m’explique, lettre à lettre. Mais c’est pas des lettres, on comprend rien au truc si on essaie de reproduire texto consonne et voyelle. Ce sont des sons, c’est du graphisme, mais aussi une gestuelle, presque une danse de la langue : avec la main, avec la voix, il fait traîner le rraah, il escampe le E (ça existe pas), il transforme le O en Ourr… comme d’autres le plomb en or.

Pendant qu’il fait cela, et tout en essayant de suivre et de comprendre – comme tout le monde, j’ai deux hémisphères au cerveau -, je pense que ce film m’a ramené un petit bout de maghrébinité. Et je ne m’y attendais pas du tout. Moi j’allais filmer des femmes à l’île de Thau comme je suis allée filmer des pêcheurs sur l’étang. Innocente !

Bon… un semblant de maghrébinité, un truc presqu’imperceptible. Mais c’est que je n’ai pas une once de culture maghrébine, j’ai des origines mélangées, mais y a rien (presque rien) qui est passé côté paternel. C’est une abstraction, une extranéité, mais… attention, attention – j’y tiens beaucoup – en aucun cas un déni !

Pendant ce temps Karim filme, et fait tout pour faire rentrer l’affiche d’Agnès Varda, collée au mur derrière Mostafa, dans son plan. S’il croit que je l’ai pas vu…

Sinon, le débat ? Bien. Aurélie Mateo, la directrice de la Médiathèque de l’île de Thau, et moi assurons le mano a mano dirigé par Karim. On tente d’expliquer l’inexplicable, entre autres choses : comment des populations entières (pas forcément que dans des quartiers « politique de la ville », en milieu rural, c’est kif-kif) pensent que l’accès aux droits, à la culture, aux centre-villes, aux études supérieures, etc., « c’est pas pour eux ». C’est passionnant et cela demanderait beaucoup plus de temps.

Souvent on veut renvoyer à des questions de « races » ce qui relève de la classe sociale. En public, je n’ose pas trop utiliser certains mots. Ceux de « races » et de classes en font partie. Les pincettes sont de mise sur certains vocables qui demanderaient à être définis communément avant de se lancer dans des débats.

On essaie aussi, 8 mars oblige, de me faire dire que les femmes c’est plus et mieux que les hommes. Mais, pas folle la guêpe, je vois bien que j’ai des hommes assis en face de moi sur des fauteuils rouges. Non bleus. Je ne sais plus. Bref, je noie le poisson. S’il faut essayer d’éviter les malentendus dans les films, les débats, c’est aussi une succession de pièges à déminer. Je me méfie comme de la peste du manichéen.

Juste, une femme en remontant l’allée vers la sortie tient à me faire « le cadeau », dit-elle, d’un proverbe africain : « Si vous éduquez un homme, vous éduquez un individu, si vous éduquez une femme, vous éduquez une nation. »

Faudrait filmer tout le temps

En cette matinée du 6 mars 2020, les femmes des quartiers dits « politique de la ville » de Lunel, Béziers, Montpellier et Sète apprennent le self-défense sur le parvis de PierresVives. Moi je dis : y aurait un film à faire. En fait, faudrait filmer tout le temps. Hérault sport organise chaque année une journée des femmes aux alentours du 8 mars, les bus convergent des quartiers vers le paquebot de la médiathèque départementale à Montpellier. L’après-midi un film est projeté dans l’immense auditorium. Cette année, « Sète, des femmes au fil de Thau » attaque sa tournée ici.

Après la projection, une dame d’un autre quartier que celui que j’ai filmé me fait la remarque qu’on ne voit que très peu les « mamans ». Au bout de trois ans de tournage à l’île de Thau, j’ai appris à décrypter : quand on dit « maman », on veut dire femme voilée. J’essaie d’expliquer que vu le nombre de femmes voilées qui ne voulaient pas être filmées, j’ai marché sur des œufs pendant tout le tournage.  Voire même, ça me l’a plombé, le tournage. Je le dis pas. Ce que je dis, en souriant, c’est que je m’y perdais moi, à qui veut bien, qui ne veut pas, qui veut bien un jour mais pas le lendemain… Par exemple, si j’avais filmé le self-défense ce matin, comment j’aurais fait ? J’aurais demandé avant qui veut bien, je les aurais mises ensemble, je n’aurais filmé qu’elles ? En fait faudrait des codes couleur… la bonne blague, ça m’aurait facilité la vie, surtout pour les plans d’ensemble. Blanc pour celles qui veulent bien de dos, noir pour celles qui veulent pas du tout, colorés pour celles qui veulent bien… Bon je ne fais pas non plus ma blague, je sais que j’ai un humour contestable.

Des femmes de l’Ile de Thau relaient mon propos et expliquent qu’elles sont peu nombreuses celles qui veulent bien. Pour plein de raisons. Ouf, main qui essuie le front. La hchouma, quand même ! Ce serait le comble que les femmes voilées croient que j’ostracise les femmes voilées. Un film c’est aussi une succession de malentendus à tenter d’éliminer. Mais il en reste toujours un peu… 

Après cette première suée, c’est un déferlement d’empathie. Se suivent en ringuette des prises de paroles pour remercier Aurelie Mateo et Anissa Bouayad-Agha, piliers du film et du quartier. Aurélie, c’est la directrice de la médiathèque du quartier depuis douze ans, Anissa, l’éducatrice socio-sportive d’Hérault Sport sur le quartier depuis plus de vingt ans. Mais elles sont tellement plus que cela. Je comprends que ce qui fait plaisir aux femmes du quartier, comme celles d’aujourd’hui, c’est que ce qu’elles ont envie de dire aux dames de la Media, à Anissa, c’est dans le film, une reconnaissance et une gratitude envers le travail colossal accompli… Le film est comme un porte-voix pour elles.
Je n’y avais pas pensé.

Puis une dame de l’île de Thau prend la parole tout en haut de la salle de PierresVives, sous les néons je n’arrive pas à distinguer son visage. En trois minutes, elle dit l’essentiel de ce que j’ai voulu filmer. Elle encense elle aussi le travail d’Hérault sport et de la Media, elle dit pourquoi ce collectif fonctionne si bien.

J’enrage. Mais qui c’est ? Je la connais pas, elle, non ? 
Je me retourne, désemparée, vers Aurélie et Anissa à mes côtés.
Pourquoi je l’ai pas rencontrée avant ? Elle était où pendant le tournage ? Pourquoi je l’ai pas repérée ? En trois ans, quand même !
C’était elle la « maman voilée » en or pour le film ! Celle qui non seulement veut bien apparaître dans l’image, mais pour autre chose que vendre des  gâteaux, jouer de la musique ou apprendre le français, une qui parlerait, là, assise devant la caméra. 
J’enrage.

Faudrait filmer tout le temps.

Elle viendra me voir à la fin de la séance. Elle s’appelle Kawthar. Elle a du mal à trouver du travail en France parce qu’elle porte le voile. En Italie elle était médiatrice culturelle. Avant, elle travaillait au ministère des affaires culturelles au Maroc. Elle porte le voile depuis l’âge de 17 ans et il est hors de question qu’elle l’enlève. « Ce voile, c’est moi, sans je ne suis plus moi. » Je pense : « comme si on me rasait la tête, quoi… »

J’enrage.
On se prive de gens qui seraient essentiels dans la construction et le maintien des liens.

À la fin, elle me dira aussi, et c’est le plus beau compliment que l’on puisse me faire : « Vous m’avez rendue fière de mon quartier. J’étais déjà fière de ce quartier, j’y suis bien. Mais là je suis encore plus fière, et je suis très émue. » 

C’est quand même un chouette boulot que de faire plaisir aux gens. Et de les faire pleurer. Parce que oui, encore une fois, au générique, on est quelques-unes en pleurs. Dont moi. Je crois que c’est la musique qui me fait ça… Et le temps passé sur le quartier. Et le temps qui a déjà passé depuis que le film est terminé. 

Marcher comme dans un film à la Pointe courte

Arbre en hommage à Louis Molle / déc. 2018

Marcher dans un lieu qu’on ne connaissait auparavant que parce qu’il a été filmé, c’est comme marcher dans le film. Tout devient évocateur, presque familier.

C’est une sensation très troublante de reconnaître sans connaître.

Pour moi la Pointe, c’est un film avant d’être un quartier. Un film en noir et blanc, de 1955, avec Philippe Noiret et Sylvia Monfort, d’accord, mais surtout pour moi, déjà, un quartier, des rues très étroites, du linge qui pend sur le quai, un habitat très pauvre de pêcheurs de l’étang et, déjà, aussi, les fêtes de la Saint-Louis, les joutes sur le canal royal.

Puis mon compagnon d’alors, qui m’avait montré beaucoup des films de Varda dont celui-là, m’a amenée ici. C’est-à-dire qu’avant même de rentrer dans Sète, on s’est arrêtés à la Pointe.

C’était un dimanche matin, il n’y avait personne dans les rues, et je marchais presque sur la pointe des pieds. Je trouvais ça très beau, ce quartier sur l’étang, mais j’étais intimidée par cette impression de rentrer chez les gens, tellement c’est petit ici… Donc je ne suis pas rentrée dans les “traverses” – il est beau ce mot de “traverses” – j’ai juste levé la tête sur un panneau, et j’ai lu “Traverse Agnès Varda”. Je me suis du coup sentie accueillie. C’était “raccord” en quelque sorte !

Mais c’est la même chose quand on connait un lieu et qu’on voit un film après qui a été tourné au même endroit. Je pense à “Dans la ville blanche” d’Alain Tanner à Lisbonne, quand Bruno Ganz monte les marches vers une église dans l’Alfama, Saint-Etienne je crois. J’avais monté les mêmes quelques semaines avant, j’étais émue par cette soudaine familiarité avec les lieux, comme si je regardais un film que j’aurais ramené de mon voyage à moi. C’est très agréable comme sensation, c’est fugitif aussi, cette impression d’habiter un lieu, un bout de film, de manière provisoire, comme quelque chose qu’on attrape et qui s’échappe…

Des anecdotes sur le film, y en a tellement à Sète, c’est devenu un mythe, ce film, ici. Quand il a été représenté il y a dix ans environ, il y avait la queue dehors, c’était la première fois que je voyais la queue devant le cinéma de l’esplanade. 

Et toujours cette anecdote qui revient : dans le film les gens d’ici ont l’accent d’ailleurs. Tout a été post-synchronisé en studio à Paris, faute d’argent pour enregistrer en son synchrone. 

Ici, on m’a raconté que les bobines son s’étaient égarées entre deux gares… C’est faux mais j’aime beaucoup l’histoire… le faux, ça dit toujours le mythe, la légende.

Je filme au moins une fois par an à la Pointe, j’aime venir filmer ici. J’aime filmer les gens d’ici. Il en reste. Pas beaucoup, mais il en reste. Je n’ai pas l’impression de marcher dans les pas de Varda, non ce n’est pas du tout ça, j’ai l’impression de marcher dans un film, j’ai l’impression d’habiter en filmant. 

Sinon, je me promène et ça, ça m’intéresse pas vraiment, la promenade.

Depuis c’est devenu un décor aussi… ça a été tellement filmé. Comme c’est étroit, petit, les gens ça leur fait plaisir mais ça les embête aussi, un peu, quelquefois. Une copine de la Pointe m’avait dit : “Si ça leur plaît tellement la Pointe, ils ont qu’à la reconstituer en studio à Paris!”  

Comme l’accent, en studio…

Quand je vois du linge étendu sur le quai, de suite je pense au film de Varda. A chaque fois. C’est comme si, du coup, d’avoir été filmé, et que le film soit devenu aussi important, vu, revu, reconnu de par le monde, le lieu était devenu éternel, genre “Rome ville éternelle”.

C’est comme une responsabilité aussi… La Pointe courte, ça ne devrait pas devenir autre chose que la Pointe courte, je ne saurais pas bien dire…

Sète, octobre 2014

Faire récits d’ici

Présentation Bufa lo Cèrç e raja l’Orb… et Marius et Jeannette
Premian / 3 mai 2016 / Festival Mai que Mai

Il n’y a pas eu à réfléchir longtemps pour savoir comment je pourrais faire lien entre ce petit « road movie » occitan » et Marius et Jeannette de Robert Guediguian. Mis à part le désir d’un humanisme et d’une humanité commune, je voudrais surtout parler du fait de filmer « son » pays, celui dont on vient, celui dans lequel on vit (qui n’est pas forcément le même. Je le dis parce que cela va sans dire mais de temps en temps il est bon de rappeler qu’être de quelque part ne veut pas forcément dire y être né, même s’il est bon aussi de vivre là où on est né. J’espère que c’est clair…).

Dans les années 60, 70 et 80 des luttes occitanes, le combat pour vivre et travailler au pays, parler sa langue, exposer sa culture nous a fait frères et soeurs des peuples du monde entier en lutte pour leurs identités et la possibilité même de vivre.

Après la rupture universaliste abstraite, festive et friquée des années 80, l’altermondialisme nous a conduit sur ces belles routes de la fraternité et sororité avec les peuples du monde entier mais nous a fait en retour mépriser nos combats locaux, notre « être ici » est devenu subitement ringard, passé de mode, renvoyé aux charrues, aux particularismes, aux soubresauts rétrogrades d’identités repliées sur elles-mêmes.

C’est un renversement inouï, insensé et souvent impensé. Ou pour le moins mal pensé.

La question de l’identité est aujourd’hui dans les mains des plus réactionnaires d’entre nous. Les combats pour une culture de l’ici sont désormais dans une posture défensive, vis-à-vis d’un étranger fantasmé dans une optique de grand remplacement.

Mon propos, – et pas que le mien, merci-mon-dieu – de film en film et d’écrits en paroles diverses, a toujours été de réaffirmer que pour « faire peuple et culture » il nous faut du commun. Inventer et faire vivre du commun. Qu’une identité culturelle, c’est avant tout le partage de quelques valeurs, rituels et savoir vivre ensemble. Que l’on ne sait accueillir l’autre, l’étranger, que quand on n’a peur de rien, c’est-à-dire quand on est rassurés, tranquillement installés dans nos identités respectives. C’est à partir de là que les échanges et du commun peuvent s’instaurer.

Et c’est en lisant le dernier livre d’un auteur corse que vous avez souvent invité à Colombières-sur-Orb, Marc Biancarelli, Orphelins de Dieu, un western tout aussi prenant que ceux de Raoul Walsh, que je me suis rendue compte de l’importance de faire récit d’un pays. Que nos territoires sont autant porteurs de récits et de légendes que le far west américain. Et qu’il est là encore inouï de nous rendre compte que nous avons meilleure connaissance de la mythologie américaine que de nos mythologies propres, celles où coule l’Orb, s’abreuvent les Cathares, vivent les Drac, naissent les fées…

Voilà pourquoi il est important, il me semble, de nourrir nos cultures de récits et d’épopées, de livres et de films, de poésies et de peintures. Des récits contemporains qui puisent au passé, renouvellent le présent, enchantent l’avenir. Je n’invente rien, nos prédécesseurs en la matière, les Jean Fléchet, Rouquette, les Claude Marti, Alranq, Bernard Lubat, Robert Lafont l’avaient dit, chanté, hurlé, jazzé, montré ou écrit… Nous sommes des passeurs, nous ne faisons que passer… alors… faisons passer.

Mai 2016

On peut lire ci-dessous un extrait de la préface de Robert Marty à un recueil de poèmes de Joan Bodon qui dit lui aussi joliment un peu de tout cela :
PréfaceRobertMarty

Autour du tournage des Ogres

Deux récits faits à la demande de Languedoc-Roussillon Cinéma à l’occasion du tournage à Port-la-Nouvelle à l’automne 2014 du film de Léa Fehner, Les Ogres

Lire en premier lieu ici : C’est une belle histoire, avec des Ogres dedans paraît-il…


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UNE JOURNÉE SUR UN TOURNAGE / 3 septembre 2014

Et oui c’est un port, “l’autre” port du Languedoc-Roussillon. J’habite à Sète. Je savais que Port-la-Nouvelle est un port… mais pourquoi n’y avais-je pas pensé, que cela ferait partie du bonheur de venir “visiter” le tournage des Ogres ?
Sur la route d’arrivée, la cimenterie sur notre gauche, au loin des silos, des grues… L’activité humaine d’un port est un décor, bien sûr, en soi. Un chenal au milieu, d’un côté la ville s’allonge de façades, petites maisons qui bordent. Derrière un centre-ville de quelques lignes droites, rues aérées tracées au cordeau et toujours ces façades de maisons basses, un peu vétustes pour certaines et qui me plaisent tant. D’un côté, cette ville qui s’étale et s’allonge le long du chenal, de l’autre le port. Les ports : de commerce et de pêche. Vers le milieu de l’après-midi, ballet de bateaux qui se croisent, les chalutiers rentrent, les vraquiers repartent. Moi qui suis frustrée, à Sète, de ne pouvoir accéder à ce port qui se cache, là tout se déroule devant moi, de l’autre côté du quai. Je filme un peu. A quoi cela servira-t-il ? La question, heureusement, je ne me la pose jamais, je filme.

Le tournage a lieu côté port, un grand terrain vague, autrefois un hôpital nous dit-on. Au bout de ce terrain collé au chenal, un chapiteau.
C’est le matin, le parking est à bloc de voitures.
Les figurants arrivent les uns après les autres. C’est leur troisième jour, ce sont déjà des habitués, avec des attitudes d’habitués, des liens entre eux qui sont déjà créés.
Ils sont le public de la vraie-fausse pièce, Cabaret Tchekhov, que joue la vraie-fausse compagnie, le Davaï théâtre, inspirée des aventures de l’Agit théâtre* qui joua en son temps Cabaret Tchekhov pour de vrai.

VISITER UN TOURNAGE, QUELLE DRÔLE D’IDÉE…
Chapiteau

On rejoint le chapiteau. Le même chapiteau que j’ai connu il y a un peu plus de quinze ans. Tout est organisé, on nous attend. On nous place sur les gradins.
Oui, les mêmes gradins de l’Agit*, les gradins rouge de l’époque. Pourquoi ça fait quelque chose cette histoire de chapiteau et de gradins qui sont les mêmes qu’on a connus ?
Je vieillis ou quoi ? A devenir si béatement sentimentaliste ?

Silence, moteur, ça tourne, action… coupez… Je regarde Inès Fehner faire six fois la même entrée en scène, ou sept fois, ou huit fois… je ne sais plus. La même énergie à chaque fois, les mêmes gestes. Entre temps, elle plaisante avec sa compagne de jeu, elle court, elle danse. Puis à Silence, elle se met en place. A Moteur, elle reprend la pose. A Action, elle s’élance.

Je pense à Jouvet, à Vilar, gens de théâtre qui n’aimaient pas le cinéma. Pas trop.
Pas forcément pour les mêmes raisons. Jouvet savait qu’il « fallait » en faire, tournait la journée, retrouvait son Athénée le soir. Vilar en a fait deux ou trois fois, puis basta.
Il trouvait que « ce n’était pas du travail ». Que ces gens n’étaient pas bien respectables, qu’ils se la « jouaient » un peu trop. Et qu’on passait son temps à attendre, ce qui est épuisant. 

J’en parle un peu plus tard avec une figurante dehors. Elle me dit son admiration des comédiens, capables d’entrer dans un rôle à la minute. D’en sortir, d’y re-rentrer. Ce qu’on dit toujours, en fait, quand on pense à ce boulot-là. Décrire un film, c’est accumuler une succession de clichés : l’organisation méticuleuse d’un tournage par l’équipe de production, la valse affairée et précise à la seconde de la technique et de la régie, la patience de ceux qui vont tourner…

La scène est finie, une autre va se tourner avec une acrobate. Concentration et silence demandés, nous on va gêner, alors on sort boire un café sous la petite tente cantine à disposition de l’équipe, des figurants et des visiteurs. Car on est nombreux ce jour-là à « visiter » un tournage.

Je retrouve François, on discute de ce vieux chapiteau bleu et jaune, de Léa et Julien, son compagnon, qui l’ont retrouvé dans la région Centre, par hasard, ce chapiteau comme un embrayeur de mémoire, un embrayeur d’histoire, de scénario. De ce chapiteau désormais loué de-ci delà et qu’il a fallu arracher à un mariage prévu en septembre.

Et on parle aussi de son émotion à lui, François, à revenir ici, à Port-la-Nouvelle, où ils avaient acheté une péniche avec Marion.

Et puis il y a Philippe Cataix. Et là encore de le retrouver me ravit. J’étais une farouche spectatrice quand j’habitais Toulouse. Je connaissais mes artistes toulousains comme les rues de ma ville, de loin en proche. Philippe Cataix chante et joue la comédie, a participé à l’Agit, mais quand j’ai connu l’Agit il n’en faisait plus partie. Il faisait « Cathon Cataix », un duo de chansons** que j’avais beaucoup aimé à Verfeil un soir d’été, sous la lune.

Enfin, Marion sort du camion de costumes et maquillage. On se prend dans les bras. J’admire François, à distance respectueuse, et j’aime Marion, comme elle embrasse les gens. Son attention aux gens. C’est quelqu’un de très à part Marion. Elle ne ressemble à personne.
J’essaierai plus tard, dans l’après-midi, de faire des photos d’elle. Son visage est tellement mobile, que ça a été quasi impossible. Elle regarde tout, s’intéresse à tous, se souvient de tout, capte les instants, les émotions, et tout se voit sur son visage.

EN SCÈNE… SUR LES GRADINS
Voiliers
Allez zou, en scène sous chapiteau, tous : c’est la séance où se joue la scène de repas de Cabaret Tchekhov. Je demande à la régisseuse si je peux rentrer. Elle me répond « Oui, bien sûr, on manque de figurants ». « Ah ! », je dis, « alors je ne pourrais pas filmer si je suis dans le public ? » « Ben… non ! ». Je me rêvais dans un petit coin, à filmer tout, la scène, les opérateurs, les régisseurs, le public… OK, je vais figurer. Je suis sûre que c’est ch… comme l’éternité : ça doit être long, surtout vers la fin.

Mais, en fait, à chaque fois que l’action est coupée et que Léa revient virevolter autour des comédiens pour donner des indications, je reprends mon appareil caché à mes pieds sur les gradins.

Je filme Léa qui tourbillonne. Léa est vive, éclate de rires, sait exactement ce qu’elle veut. Pendant l’action, j’essaie de devenir public. Dur pour moi de regarder pour la énième fois (bon une petite dizaine de fois, on dira) la « fausse action » et de ne pas regarder comment bossent les opérateurs divers, à l’image et au son.
Faut que je fasse un effort pour me concentrer sur mon « rôle » de spectatrice captivée par le Général qui ne fait pas son âge et n’a pas eu son fromage, tournant autour de la table, adressant un mot à chacun en jetant son verre à la russe par-dessus son épaule. Autour de cette Cène, comme au bon vieux temps de l’Agit, des spectateurs assis à des tables de cabarets, sur scène en quelque sorte.

Pause déjeuner. C’est deux heures. Moi j’ai faim à heure fixe, à midi je crève la dalle, à deux heures je n’ai plus faim. Je filme dehors le lieu rendu au calme.
Et puis j’entends l’accordéon dans le chapiteau. Bien contente de pas être partie manger au loin. J’écrase ma clope et j’accours. J’adore ça, filmer en musique. Le seul vrai moment peinard ce jour-là, impression de ne déranger personne, d’être libre. Je filme Cataix qui répète Des voiliers de Nougaro (ô Toulouse…) à l’accordéon. Derrière, tout le monde s’occupe de débarrasser le plateau du matin pour celui de l’après-midi. Le plateau étant en l’occurrence un décor de théâtre, on a l’impression d’être dans une compagnie de théâtre : tout le monde donne la main, Léa enlève une corbeille de pain, le premier assistant les verres, le directeur de production des chandeliers… Rien à voir avec la farouche distinction des métiers et des postes dans le cinéma telle qu’on se l’imagine.

C’est une histoire que racontait le réalisateur Yann Le Masson, lui aussi installé sur une péniche, en Avignon. Tournage américain en France. Une grosse caméra, genre Mitchell, très chère, posée sur une barge en pente, glisse doucement, doucement, doucement vers l’eau.
On aurait le temps de la rattraper trente fois. Oui mais… y a pas le premier assistant du chef op’, genre, le mec qui seul, avec le chef op’, 
a le droit de la toucher. Yann Le Masson, Français embauché sur le tournage, veut courir la rattraper. On l’arrête : il vaut mieux faire jouer les assurances, lui explique-t-on, que de courir le risque de fâcher farouchement le corporatisme américain.
J’adore. 

Retour sur le plateau : les comédiens se mettent en place sur la table débarrassée des reliefs du matin. Léa s’apprête à faire répéter la scène de fin de Cabaret Tchekhov telle qu’elle sera filmée (mais pas montée, puisqu’elle ne figurera pas au montage final).
Cataix et son accordéon devant, encadré par Inès et Marion, derrière les autres s’étagent en hauteur pour former une image pyramidale avec la Gamine enceinte hissée sur une chaise comme les mariés sur la pièce montée. Mariée, ça tombe bien, Adèle Haenel est en costume, une toile parachute lui sert de traîne étoilée, voile de fond de la scène à jouer.

Je sors quand j’entends Léa dire : « On attaque la répétition ». Ne pas déranger. Mais je les entends tous chanter Des voiliers. Je me dis qu’après, comme ce matin, ils vont filmer avec le public, et je ne pourrais plus filmer pendant les scènes… J’adore quand les gens chantent ensemble. Et zut, c’est trop c.., je re-écrase mon clopiau et je rentre illico. Personne ne me dit rien, je filme. C’étaient de beaux moments.

Et je me prépare à aller prendre mon train.

UNE FOIS COMME AU CIRQUE, LA FIGURATION
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Mais, par acquit de conscience, avant je vérifie : j’étais là pour la scène du matin, en haut des gradins, faudrait pas que je « manque » à la figuration. Le monsieur qui s’occupe des figurants me confirme très gentiment qu’effectivement, avec moi, ce sera plus « raccord » comme public.
OK, je reste, j’ai des trains jusqu’à tard.
Je n’ai jamais autant applaudi l’Agit.
J’en avais les épaules démontées. Figurant, franchement, c’est pas un métier…
Le pire ça a été quand la caméra s’est approchée. Je n’avais pas compris, moi. Je n’avais pas compris qu’il y aurait des gros plans. J’étais té-ta-ni-sée. Une fois comme au cirque, la figuration.

Au retour, vers les vingt heures, c’est une figurante qui m’a ramenée prendre le train à Narbonne. Elle aime ça, elle n’a pas peur de la caméra, elle. Elle fait du théâtre en amateur, a un « vrai » boulot, mais trois beaux enfants qu’elle élève seule, donc besoin de sous, et une magnifique énergie. Elle a déjà fait un téléfilm avec Arditi, s’apprête à venir à Sète pour un Candice Renoir. Ici, c’est sa deuxième figuration. Elle trouve tous les gens vraiment sympas, humbles, « ils ne se la pètent pas ». Dommage que Vilar ne les ait pas connus. Elle trouve que Léa est vraiment très agréable au travail, que François a un regard perçant et bienveillant, que Marion a l’air d’être quelqu’un de rare.
Et moi je trouve qu’elle a bonne vue, un heureux caractère et une serviabilité de fort bon aloi ce soir-là. A l’heure pour le dernier train, elle m’a laissée, en gare de Narbonne

.GareNarbonne

  1. On peut aller sur le site de l’Agit.
  2. On peut aussi faire un petit tour sur le site de Cathon Cataix.