« Festen », la juste fin… enfin ?

Je l’avais bien aimé ce film. Parce qu’il venge. Un peu comme le cinéma de Chabrol. Quand on est pas bien méchant.e, on aime bien que ce soit les autres qui s’en chargent, de la vengeance. Les autres ou le temps.
Car, si l’on avait résisté aux dix premières minutes de ce film de Thomas Vinterberg sans vomir ni sortir, on se trouvait embarqué.e.s dans une histoire de retrouvailles familiales détestables, où les incestes ne sortent pas du placard parce qu’il se trouve toujours quelqu’un pour refermer la porte.
Cette fois-là, la porte était enfoncée, défoncée… et l’on poussait toutes et tous avec le jeune homme en bout de table face à son prédateur.

Ce que je n’avais pas trouvé bien véridique, c’était la fin.
A la fin, si ma mémoire est bonne, l’homme coupable, le père, et sa femme complice se retrouvent exclu.e.s de la table du petit déjeuner. Or dans la vie, disais-je à l’époque, c’est la victime qui est exclue. Toujours. La victime qui dérange, qui fait tache, qui ne vient plus s’asseoir à table. C’est elle qui a brisé le consensus du silence, celui qui plombe, qui écrase. C’est donc à elle qu’on en veut. Ce « on » étant plus que jamais un con pluriel, veule, un « on » dissous dans la multitude des lâchetés qui se tiennent.

Pour ne pas avoir à regarder les victimes en face, mieux vaut leur renvoyer une structure lisse sur laquelle la balle de la parole rebondit sans écho. Une structure lisse pour s’affranchir des culpabilités, éviter les ressacs de la mémoire, empêcher la reconstruction de l’histoire avec la parole des enfants victimes au centre. On nie, on amoindrit, on renvoie quelquefois la balle à l’envoyeur en mettant en doute sa parole, pire, en plaidant « sa » responsabilité, on use de tous les biais pour refuser et préserver l’essentiel qui doit rester sauf : la famille. Ou plutôt l’idée de la famille, son image, cette illusion un peu creuse et sans aspérités. Joyeuse qui plus est, aux temps des retrouvailles. Champagne.

C’est pour cela que le plus souvent les victimes se taisent. Cela ne sert à rien de parler. Ou alors pour soi dans le cabinet d’un psy quelconque. Mais la reconnaissance de cette parole dans le cadre même de ce qui a permis l’exécution de ce qui deviendra des traumatismes ancrés, mieux vaut s’asseoir dessus et ne rien espérer. On vit mieux avec ses traumas qu’avec le déni de ses traumas. De cela, le plus souvent, on en meurt.

Et puis voilà que depuis quelques temps, la chape se lève, les oppresseurs d’antan et leurs soutiens démissionnent ou sont démissionné.e.s… Ils se lèvent de table, ils sortent, les victimes sont au centre des plateaux, parlent, écrivent, sont écoutées, et peut-être entendues… La « fête » serait donc finie ? C’est Festen, la fin de Festen qui aurait enfin raison et moi tort ? J’adorerais !

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