Un petit (tout petit) bout de ciel générationnel

Si la période est terrible pour les jeunes gens et les personnes âgées, laissez-moi vous raconter ce qu’elle peut être pour certain.e.s des cinquantenaires que nous sommes.

Nous sommes né.e.s de l’après-guerre et nous ne savions pas que dans le couffin s’étaient glissées les avancées du Conseil national de la Résistance. Le droit à être soigné.e.s (et remboursé.e.s) convenablement et nos grand-parents qui nous gardaient le jeudi, puis le mercredi et les vacances scolaires, étaient partis à la retraite vers 55/60 ans. Biberonné.e.s aux grandes galettes noires des tirades de Gérard Philipe et Maria Casarès, l’ombre de Vilar et des Jeunesses musicales de France ne planait pas que dans les films de Truffaut mais jusqu’au fond de nos campagnes commingeoises. On entonnait l’hymne des Auberges de Jeunesse, avant qu’elles ne deviennent des résidences d’artistes, dans les petites voitures qui nous promenaient faire du tourisme de proximité dans nos chères Pyrénées. Bref, on était des enfants de l’éducation populaire, on ne le savait pas mais cela nous a fait devenir plus que ce à quoi nous aurions dû être assigné.e.s. Plus non pas dans le sens de la reconnaissance sociale, plus dans le sens de cultures qui s’agrègent parce que l’on n’a pas peur de l’inconnu, des livres qui s’ouvrent et des regards qui s’arrêtent.

On s’est un peu cassé le nez sur les années 80. Celles et ceux d’avant nous nous ont raconté les années 70, nous on jouait encore aux billes, au rugby et aux Barbie, et on a surfé sur la queue de comète. Mais bon faut bien le reconnaître les années 80, c’était pas terrible, cela devait être « jeune, technologique et gai » titrait Actuel en leurs prémices. Ce le fut, pour certain.e.s. Pour les autres, tou.te.s les autres, la pente déclinait dans le sens inverse de celui des jours radieux allant vers le soleil levant de cette belle chanson des Auberges de Jeunesse.

Puis, grandes secousses et petits effets, un peu partout dans le monde, l’autre monde se rêva possible, en France cela commença en novembre 1995 et nous partîmes pour de chouettes années de manifs, concerts, rassemblements, débats, et illusions pas perdues mais retrouvées.

Tout était posé sur la table par nos ancien.ne.s. L’écologie, le féminisme, la lutte des classes (si, si, la lutte des classes), y a que l’antiracisme qui avait une gueule un peu surfaite de petite main jaune… On s’est servi.e.s, on a réajusté à nos sauces, mais bon tout avait déjà été dit en 1974 et avant : on va dans le mur, tout droit, faut monter sur les freins maintenant sinon on va se faire très très mal.

Bon, ça y est, on est dans le mur. Qu’est-ce qu’on fait ? La gueule déjà. Parce qu’avoir raison un peu tôt ne sert strictement rien. Et puis surtout on s’étonne. Puisqu’on avait déjà tout dit, décrit d’un monde absurde, pourquoi sommes-nous si étonné.e.s de nous retrouver confiné.e.s dans nos cinquantaines en ayant de l’avenir une vision plus que sombre ? 

Parce que c’est l’espoir qui guide, qui mène, qui crée, qui exalte, qui chante… 

Alors du coup, on le garde, pas naïvement, pas bêtement, mais on le garde pour le transmettre. Va bien falloir que nous aussi on transmette quelque chose, et pas seulement des virus mortifères et des déserts à perte de vue. 

2 réflexions sur « Un petit (tout petit) bout de ciel générationnel »

    1. hmorsly Auteur de l’article

      Merci pour votre commentaire et pour le lien. Je l’ai beaucoup écoutée moi aussi ado, et je l’avais oubliée !

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